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Les soins virtuels au Canada — Dr. Ewan Affleck

Dr. Ewan Affleck

33 min | Publié le 13 avril 2023

Durant la pandémie de COVID-19, les soins de santé virtuels ont connu une montée fulgurante, offrant aux Canadiens un accès sans précédent aux professionnels médicaux en ligne. Maintenant que les répercussions de la pandémie se font moins sentir au quotidien un peu partout au pays, beaucoup de gens se demandent s’ils auront toujours accès à cette option si pratique dans l’avenir. Dans cet épisode du BISC, l’animatrice Avis Favaro s’entretient avec le Dr Ewan Affleck, conseiller médical principal, informatique de la santé, du College of Physicians and Surgeons of Alberta et président de l’Alberta Virtual Care Coordinating Body, au sujet de l’avenir des soins virtuels au Canada et des raisons pour lesquelles il tient autant à l’expansion de ce type de soins. 

Cet épisode est disponible en anglais seulement.

Transcription

Avis Favaro

Les Canadiens ont accueilli favorablement la médecine virtuelle lorsque la pandémie de COVID-19 les a obligés à se tourner vers leurs téléphones ou leurs ordinateurs pour obtenir des soins de santé de base.

Les données montrent que le nombre de personnes qui ont reçu des services virtuels a quadruplé pendant la pandémie par rapport à la période prépandémique. Cette donnée ne surprend pas les médecins, notamment Ewan Affleck, qui soutient le passage à la médecine numérique depuis 3 décennies.

Dr Ewan Affleck

Les Canadiens veulent avoir accès à des soins virtuels depuis de très nombreuses années. Et malgré cela, nous avons été extrêmement lents à les offrir. Il a fallu un virus pour provoquer un changement, mais cette demande n’était pas nouvelle. Soudainement, nous n’avons pas eu le choix.

Avis Favaro

Le Dr Affleck est un médecin de famille qui travaille à Yellowknife et à Edmonton, où il est président de l’Alberta Virtual Care Coordinating Body. Il a reçu l’Ordre du Canada pour avoir aidé les Territoires du Nord-Ouest à créer un système de dossiers médicaux en ligne, une première au pays, de sorte que les médecins et le personnel infirmier puissent tous avoir accès au même dossier.

Son objectif est maintenant d’amener le reste du système de santé canadien à abandonner les dossiers papier et les télécopies au profit des soins de santé virtuels et numériques modernes, parce qu’ils sont plus rapides et plus sûrs pour les médecins et les patients.

Dr Ewan Affleck

Si, pour une raison quelconque, il me manque certains renseignements, ou s’ils sont inaccessibles, ou si je ne sais pas qu’ils existent, quelle qu’en soit la raison, parce qu’ils se trouvent sur une plateforme différente et que je ne peux pas les voir, la probabilité que je commette une erreur augmente.

Avis Favaro

Bonjour et bienvenue au Balado d’information sur la santé au Canada. Nous l’appelons CHIP, en anglais. Je suis Avis Favaro, et j’anime cette discussion.

Remarque : Les opinions exprimées ici ne reflètent pas nécessairement celles de l’ICIS, mais il s’agit d’une discussion libre et ouverte. Cette émission est consacrée au rapport sur l’élargissement de l’accès aux soins de santé virtuels de l’ICIS. Les Canadiens le voulaient. Il y a bien eu un élargissement de l’accès aux soins de santé virtuels, mais nous n’avons pas effectué le virage numérique qui a eu lieu dans d’autres pays. Pourquoi? Et que va-t-il se passer ensuite?

Bienvenue, Dr Affleck. C’est un plaisir de vous recevoir.

Dr Ewan Affleck

Merci beaucoup, Avis. Je suis ravi d’être ici.

Avis Favaro

Êtes-vous à Yellowknife en ce moment?

Dr Ewan Affleck

Non, je suis à Edmonton.

Avis Favaro

Vous êtes de retour à Edmonton.

Dr Ewan Affleck

J’étais à Yellowknife il y a quelques jours. Je fais des allers-retours.

Avis Favaro

Je vois. Intéressant. Avant de parler de médecine virtuelle, qu’est-ce qui vous a attiré dans le nord du Canada? La médecine a-t-elle été à l’origine de votre intérêt pour les soins virtuels?

Dr Ewan Affleck

Je pense que l’amour y est probablement pour quelque chose. Ma femme.

Avis Favaro

³¢â€™a³¾´Ç³Ü°ù?

Dr Ewan Affleck

Oui, l’amour. Ce n’est peut-être pas la réponse à laquelle vous vous attendiez. Mais je pense que c’est une bonne réponse. Ma femme est originaire du Labrador. Et quand nous avons commencé à nous fréquenter, elle était étudiante. Nous étions tous les deux étudiants à McGill. Et elle a dit « retournons dans le nord. Â» C’est ce que nous avons fait. Et c’est devenu notre vie. Nous y avons élevé nos enfants et avons parcouru tout le nord du Canada.

Avis Favaro

C’est formidable. Est-ce là que vous avez commencé à voir les disparités dans les soins de santé et le rôle que les soins virtuels pourraient jouer?

Dr Ewan Affleck

Absolument. J’ai terminé le programme de résidence et obtenu mon diplôme de McGill en 1992. Mon premier emploi était au Nunavik (l’Arctique québécois), dans le détroit d’Hudson. J’ai été envoyé dans une petite collectivité appelée Salluit. J’étais terrifié, comme peuvent l’être les médecins ou les travailleurs de la santé, et certainement les nouveaux diplômés confrontés à certaines situations. J’étais tout seul. J’étais le seul médecin de la collectivité. Il m’est arrivé de vouloir envoyer des images, des données ou des renseignements à des experts se trouvant dans une autre région. Mais c’était impossible.

C’est à ce moment que j’ai commencé à vouloir rendre cela possible. J’ai rapidement compris que les habitants de ces régions reculées souffraient d’inégalités en matière de soins parce qu’ils n’avaient pas accès à l’expertise ou à la capacité dont disposent les habitants de certains grands centres. C’est donc à partir de là que j’ai commencé à m’intéresser à cette question. C’était il y a 31 ans.

Avis Favaro

Wow. Cela fait donc 3 décennies que vous travaillez sur ce projet.

Dr Ewan Affleck

C’est exact. J’y ai consacré une grande partie de ma carrière. Oui.

Avis Favaro

Je me souviens avoir parlé du concept de soins virtuels bien avant la pandémie, en évoquant de nouvelles entreprises en démarrage, des entreprises privées qui proposaient une vision des soins virtuels où l’on pouvait voir son médecin. Où en était notre pays en matière de soins virtuels avant la pandémie?

Dr Ewan Affleck

Les Canadiens veulent avoir accès à des soins virtuels depuis de très nombreuses années. Et malgré cela, nous avons été extrêmement lents à les offrir. Il a fallu un virus pour provoquer un changement, mais cette demande n’était pas nouvelle. Soudainement, nous n’avons pas eu le choix.

À mes yeux, la question n’est donc pas de savoir si nous avons pu nous adapter, car nous n’avions pas vraiment le choix, mais de déterminer pourquoi nous n’avons pas abordé ce problème avant de manière systématique ou systémique.

Avis Favaro

Les entreprises privées pouvaient voir la demande et elles pouvaient voir que les gens en voulaient, mais le reste du système ne le pouvait pas.

Dr Ewan Affleck

Cela témoigne de la lourdeur du système de santé publique au Canada, qui n’a pas su s’adapter à la virtualisation des services. Pour moi, il s’agit d’une question profondément importante. En fait, elle donne un cadre à notre approche, et les défis auxquels nous sommes confrontés avec la santé numérique sont la raison pour laquelle nous semblons avoir du mal à nous adapter à cette nouvelle façon de fournir des soins.

Avis Favaro

Examinons donc les dernières données de l’ICIS.

Il y a eu un rapport. Les données précédentes ont montré que nous sommes passés de 1 % à 10 % ou 11 % de personnes utilisant des soins virtuels, dans le sens de consulter leur médecin ou de faire quelque chose par téléphone ou par vidéo, à environ la moitié des Canadiens. Le rapport me semble indiquer que les provinces agissent différemment et que cela entraîne un peu de confusion.

Vous avez lu le rapport. Qu’est-ce que cela vous apprend sur la situation actuelle des soins virtuels au Canada?

Dr Ewan Affleck

Dans une large mesure, la forme de technologie ou le service qui nous était le plus facilement accessible était le téléphone. Et ce, parce qu’il est omniprésent. Il est bien compris à la fois par le dispensateur et par le bénéficiaire des soins, le patient. Vous pouvez appeler n’importe qui à partir d’un téléphone et vous ne savez même pas, la plupart du temps, qui gère la technologie. On ne se dit pas qu’il s’agit de tel ou tel dispensateur.

Cette technologie n’a pas été déployée par le système de soins de santé. Il s’agit d’une technologie que nous utilisons et que d’autres ont déployée. En fait, les technologies que nous avons dû utiliser, comme la vidéoconférence, la messagerie sécurisée, la surveillance à distance et d’autres technologies semblables ont eu beaucoup moins de succès.

Avis Favaro

Wow. Je pensais que nous nous étions bien débrouillés, mais vous dites que nous n’avons pas été à la hauteur. Nous nous sommes contentés de passer des coups de téléphone. Êtes-vous en train de dire que nous n’avons pas fait aussi bien que nous le pensons?

Dr Ewan Affleck

Les environnements matures comme celui de Kaiser Permanente aux États-Unis offrent un service intégré comprenant une variété de soins virtuels, donc différentes technologies comme le téléphone ou la voix et la vidéo et la virtualisation textuelle. On peut voir qu’ils intègrent leurs données d’une manière plus globale, contrairement au Canada où nous nous sommes contentés d’une seule technologie principale. Mais en tant que système, en tant qu’offre globale, la majeure partie de la transition vers la virtualisation s’est faite par le téléphone.

Je ne veux donc pas que les gens s’y intéressent. Le téléphone est un merveilleux outil virtuel, mais je ne veux pas que les gens s’imaginent que nous nous occupons de tous les aspects des soins virtuels. En fait, dans certains cas, nous ne l’avons pas fait de manière significative.

Avis Favaro

C’est très intéressant. Qu’avez-vous retenu d’autre du rapport en matière d’actions menées dans les différentes régions? Y a-t-il eu des messages?

Dr Ewan Affleck

Oui, le rapport suggère que les choses ne sont pas du tout coordonnées. La première chose dont nous avons besoin, c’est d’une rigueur définitionnelle. C’est ce qui est ressorti récemment de la Stratégie pancanadienne de données sur la santé. Nous devrions concevoir des systèmes numériques en fonction des patients, des bénéficiaires des soins ou des citoyens. Ce n’est pas une idée difficile à comprendre.

Si vos renseignements de santé, Avis, ne vous suivent pas, où que vous soyez, vous risquez d’être victime d’erreurs. N’est-ce pas? Ils vous appartiennent, ils doivent vous suivre et vous ne savez jamais quand vous en aurez besoin. Ils doivent être accessibles au personnel infirmier, aux médecins, aux pharmaciens, à tous ceux qui s’occupent de vous, à votre cercle de soins, afin de garantir que votre santé et la qualité de vos soins de santé sont optimales.

Ce qui saute toujours aux yeux dans ce genre de situation, c’est que nous avons alors une approche fragmentée où chaque autorité compétente fait les choses à sa façon. Nous devons plutôt harmoniser notre approche en fonction des citoyens canadiens.

Et nous pourrions tous en bénéficier. En fait, cela profiterait aux gouvernements. Faire les choses 13 fois est insensé et fragmente notre approche. Dans le rapport, Terre-Neuve-et-Labrador dit ceci. Et je pense que c’est ce que nous devrions faire. Nous avons besoin d’une approche harmonisée basée sur des normes, et c’est ce qu’ils disent. Je n’ai pas entendu ce discours ailleurs, mais ce n’est pas notre tradition, et c’est une erreur très coûteuse.

Avis Favaro

Je sais que vous avez reçu l’Ordre du Canada pour votre travail dans les Territoires du Nord-Ouest et pour y avoir mis en œuvre les dossiers médicaux électroniques sous une forme ou une autre. Est-ce que les choses vont bien? Pouvez-vous nous donner un exemple de ce que le reste du pays pourrait faire?

Dr Ewan Affleck

Je pense qu’il existe de nombreux exemples d’excellence. Les Territoires du Nord-Ouest ont mis au point un système de dossier unique qui est essentiellement conçu en fonction du patient. Il s’agit de l’échange de renseignements entre des personnes qui sont éloignées les unes des autres, qu’il s’agisse du patient ou d’une personne de son cercle de soins, en utilisant toute forme de technologie pour promouvoir des soins de qualité. Telle est la définition.

Ainsi, que vous soyez à Uluhaktok, à Gamèti, à Whatì, à Yellowknife ou à Hay River, vous utilisez le même dossier. Ainsi, si vous vous déplacez, tous vos renseignements vous suivent où que vous soyez. En fait, tous les différents dispensateurs de soins peuvent communiquer entre eux par l’intermédiaire de votre dossier.

Le rapport du Commonwealth indique que nous sommes en retard par rapport à d’autres pays industrialisés occidentaux. Mais en fait, cela fonctionne bien dans les Territoires du Nord-Ouest.

Avis Favaro

Oui, et c’est l’un des points du rapport de l’ICIS, qui compare le Canada à d’autres pays du Commonwealth. Le transfert des données des patients vers d’autres cabinets a connu un certain essor et davantage de cabinets semblent offrir aux patients la possibilité de communiquer par courrier électronique, d’utiliser des sites Web sécurisés ou même de consulter leurs données en ligne en 2022 par rapport à 2019 dans le rapport. Mais tous ces domaines sont restés en deçà de la moyenne des pays du Commonwealth indiquée dans le rapport.

Dr Affleck, pouvez-vous nous présenter les avantages pour le médecin et le patient de s’inspirer davantage de ce qui se fait dans les Territoires du Nord-Ouest, et qui semble plus proche de ce qui se fait dans les pays du Commonwealth?

Dr Ewan Affleck

Vous créez l’effet de réseau, c’est-à-dire l’ensemble du cercle de soins. Votre cercle de soins peut consulter votre dossier, peu importe l’endroit où vous vous trouvez au moment où vous pourriez avoir besoin de soins. C’est à l’opposé de ce que nous avons fait en grande partie au Canada : nous n’avons pas créé de réseaux, mais des soins virtuels relationnels. Vous pouvez donc communiquer avec votre médecin, mais pas avec votre physiothérapeute, votre travailleur social ou votre chirurgien orthopédique, qui utilisent un système différent. Il n’y a pas de réseau.

Nous avons largement séparé les renseignements par service ou par dépositaire. Nous n’avons pas construit de réseau de renseignements axé sur le bénéficiaire des soins, le patient. Nous avons donc créé le dossier unique dans les Territoires du Nord-Ouest. Les Services de santé de l’Alberta ont créé Connect Care dans le cadre des services spécialisés. C’est donc un composant du service en Alberta et il y a d’autres exemples, mais ce n’est pas la norme au Canada.

Avis Favaro

En effet. Et les renseignements sont souvent transmis par télécopieur.

Dr Ewan Affleck

Oui. Parce que vous ne communiquez pas, ou que vous n’avez pas créé l’effet de réseau axé sur le patient, vous devez alors trouver d’autres moyens de transmettre des renseignements à d’autres sources. Nous n’avons donc pas créé de système intégré, et c’est ce qui m’a vraiment frappé dans le rapport. Ils affirment que l’interopérabilité ou le manque d’interopérabilité est un énorme problème.

Avis Favaro

C’est-à-dire l’interopérabilité pour les personnes qui n’ont pas reçu les renseignements?

Dr Ewan Affleck

Il s’agit de l’interopérabilité des données. Vos données pourront donc passer d’un service à l’autre en fonction de vos besoins en matière de santé. Nous avons adopté des technologies qui ne sont pas interopérables. Il n’y a pas de normes communes en matière de données, de sorte que les renseignements sur les patients ne peuvent pas circuler. Il faut donc utiliser un télécopieur, par exemple.

Avis Favaro

N’est-ce pas un peu désuet?

Dr Ewan Affleck

Absolument. Les systèmes numériques ne se parlent pas entre eux.

Ainsi, en 2016, les États-Unis ont adopté une loi appelée 21st Century Cures Act, qu’ils sont en train de mettre en Å“uvre. Les différentes plateformes numériques doivent être interopérables, ce qui signifie que les renseignements relatifs à la santé peuvent passer d’un dispensateur de services à un autre.

Aucune autorité compétente au Canada n’a agi en ce sens. Et bien que ce rapport indique qu’il s’agit d’un problème majeur, je n’ai vu dans aucune des stratégies quelqu’un s’attaquer à ce problème de quelque manière que ce soit. Cela semble donc contre-intuitif.

Je sais qu’on commence à en parler au Canada, mais le fait que nous n’exigions pas l’interopérabilité des données de santé dans notre écosystème est un énorme problème, et ce n’est tout simplement plus acceptable.

Avis Favaro

Ainsi, en tant que patients, nous devrions tous avoir le droit de mettre nos données à la disposition de quiconque en a besoin, à tout moment.

Dr Ewan Affleck

Absolument. Les lois sur la protection de la vie privée et les lois sur les renseignements médicaux le permettent, mais de nombreux autres facteurs, techniques ou autres entrent en ligne de compte.

Avis Favaro

Parlons du coût pour les patients de l’absence d’un tel système.

Dr Ewan Affleck

Chaque décision prise dans le domaine des soins de santé concernant votre santé, la mienne ou celle de n’importe qui d’autre, repose sur la collecte et l’analyse de renseignements. Tout repose sur les renseignements.

J’étais de garde la semaine dernière. J’ai examiné des résultats de laboratoire, des radiographies, j’ai probablement discuté avec un spécialiste et parlé à la famille du patient ou au patient lui-même. Je rassemble tous ces renseignements et j’élabore ensuite une approche des soins pour cette personne.

Si, pour une raison quelconque, il me manque certains renseignements, ou s’ils sont inaccessibles, ou si je ne sais pas qu’ils existent, quelle qu’en soit la raison, parce qu’ils se trouvent sur une plateforme différente et que je ne peux pas les voir, la probabilité que je commette une erreur augmente. Il est donc essentiel que les renseignements dont les professionnels de la santé ont besoin pour prendre des décisions soient mis à leur disposition afin de préserver la qualité des soins prodigués aux patients.

Il en va de même pour les populations. Si nous pouvions mettre en commun ces données, nous pourrions mieux comprendre comment gérer la COVID-19, en étudiant la réponse aux nouvelles thérapies contre les cancers. Mais plus elles sont fragmentées et moins elles sont partagées, plus les difficultés que nous rencontrons pour les mettre en commun ou les regrouper nuisent à notre capacité. Cela a donc une incidence négative sur la santé des gens.

Avis Favaro

Avez-vous des exemples de patients qui paient le prix de l’absence de soins de santé numériques connectés?

Dr Ewan Affleck

Absolument. Il existe un cas important au Canada. C’est probablement le plus connu et il fait partie du domaine public. Il s’agit de Greg Price qui est décédé il y a 11 ans. La première cause de décès est attribuée à une mauvaise gestion de ses renseignements.

Ainsi, pendant 407 jours, ses renseignements ont été transmis à 12 services de santé différents et ils ont été perdus parce qu’ils avaient été télécopiés ou parce que quelqu’un avait fermé un bureau ou ceci ou cela. En fait, il a eu un petit cancer et 407 jours plus tard, il est mort d’une embolie pulmonaire. Il serait encore en vie s’il avait reçu les soins à temps et si les erreurs liées à la transmission des renseignements ne s’étaient pas produites.

Avis Favaro

C’était il y a une décennie. Cela ne pourrait certainement pas se produire maintenant.

Dr Ewan Affleck

Personne ne va enquêter sur les erreurs liées aux renseignements qui entraînent de mauvais résultats pour les patients. Premier point. Deuxièmement, je dirais que c’est ce qui se passe. Il faut donc être très prudent et c’est stressant.

Je ne veux pas être alarmiste, mais c’est important. Je veux dire par là que nous avons besoin de renseignements pour prendre des décisions et que s’ils ne sont pas disponibles ou s’ils sont manquants, nous pouvons commettre des erreurs. C’est un sujet de préoccupation.

Nous devons donc concevoir des systèmes qui sont sûrs pour les personnes et qui sont efficaces, équitables, etc.

Avis Favaro

Le rapport de l’ICIS montre que les médecins de famille canadiens sont plus nombreux à utiliser les dossiers médicaux électroniques en 2022 qu’en 2015 et qu’ils ont davantage recours au suivi à distance. C’est là qu’ils vérifient à distance l’état de santé des patients, comme leur tension artérielle, afin qu’ils n’aient pas à se rendre au cabinet pour ces examens.

Dr Affleck, pouvez-vous nous donner des exemples de réussite liés à l’utilisation des soins virtuels dans leur intégralité? Qui fait bien les choses?

Dr Ewan Affleck

Pratiquement toutes les provinces et tous les territoires disposent d’excellents exemples de services virtuels qui connaissent un grand succès. Le défi que nous devons relever est celui de l’élargissement et de la diffusion de ces initiatives.

Avis Favaro

À l’échelle nationale.

Dr Ewan Affleck

Parce qu’il n’y a pas d’harmonisation, ni nationale, ni même provinciale. Et c’est ce qui est fascinant dans ce rapport : on ne parle pas d’approche normalisée fondée sur des principes pour la conception de systèmes de soins virtuels. Il n’y a donc pas de vision commune de la conception des systèmes.

Avis Favaro

Est-ce frustrant?

Dr Ewan Affleck

Oui, mais j’y travaille. D’autres personnes y travaillent aussi. Ce n’est pas compliqué. En fait, c’est assez facile à faire, mais il faut le faire. Et cela implique que tout le monde se réunisse et se mette d’accord sur une approche commune.

Nous avons donc recommandé la Stratégie pancanadienne de données sur la santé, une stratégie commandée par le gouvernement fédéral et publiée l’année dernière. Nous recommandons l’adoption de la Charte des données sur la santé, qui énonce un ensemble de principes clairs selon lesquels les données sur la santé doivent être présentées dans un format qui garantit la qualité des soins pour les Canadiens. Et c’est essentiellement de cela que je parle.

Avis Favaro

Permettez-moi de revenir à un exemple international. Pouvez-vous citer un pays pour que les gens comprennent ce qu’ils font et ce que nous ne faisons pas?

Dr Ewan Affleck

Oui. Il y a toute une série de pays, dont probablement l’Estonie.

Avis Favaro

Si je suis une patiente en Estonie, comment sont présentées mes données de santé et comment utilise-t-on la médecine virtuelle dans ce pays?

Dr Ewan Affleck

En gros, cela revient à dire que vos renseignements vous suivent. Il s’agit de votre patrimoine. Ils ont donc réussi à mettre en place un réseau où les données de santé d’une personne vont la suivre jusqu’aux points de service, de sorte qu’elle puisse recevoir les meilleurs soins et que le risque d’erreur soit atténué ou réduit au minimum.

Avis Favaro

C’est donc votre rêve : avoir un système semblable à travers le Canada?

Dr Ewan Affleck

Oui, c’est le rêve de beaucoup de gens. Nous savons où nous voulons aller. Nous n’avons pas encore déterminé comment y parvenir.

Avis Favaro

Est-ce une question d’argent? Est-ce une proposition coûteuse? En effet, il ne suffit pas d’avoir des réseaux. Il faut aussi s’assurer que les gens disposent, même pour les soins virtuels de base, d’un accès Internet à la maison. De nombreuses infrastructures doivent être mises en place.

Dr Ewan Affleck

Nous avons déjà construit à grands frais un grand nombre d’infrastructures fragmentées. Les économies d’échelle réalisées en construisant des systèmes interopérables, si nous l’avions fait dès le début, auraient probablement été substantielles, bien que je n’aie jamais vu de rapport ou d’évaluation à ce sujet. Et je ne suis pas économiste de la santé.

Il faudra donc certainement investir de l’argent, mais je pense que le plus important est de reconnaître l’existence d’un problème commun et d’élaborer une approche coopérative et commune à cet égard.

Avis Favaro

Vous avez utilisé le mot « fascinant Â» pour qualifier l’idée de la médecine virtuelle. Pourquoi utilisez-vous ce terme?

Dr Ewan Affleck

Ce n’est pas quelque chose que l’on aurait pu faire avant la révolution numérique, avant le World Wide Web. Il s’agit donc d’une occasion fascinante. Voilà, j’en viens au mot. Une occasion fascinante d’améliorer les soins prodigués aux Canadiens dans tout le pays, dans les régions éloignées, dans les villes, etc.

Nous devons donc nous engager de manière significative, mais nous devons le faire sur la base d’une vision commune et d’une manière harmonisée.

Avis Favaro

Mais d’après ce que vous avez dit, j’ai l’impression que nous en sommes encore au Moyen Ã‚ge. La révolution numérique est arrivée. Nous nous sommes adaptés à certaines choses, mais dans l’ensemble, d’autres pays ont progressé beaucoup plus rapidement.

Dr Ewan Affleck

Oui. Dans de très nombreux pays du monde, le secteur des soins de santé est confronté à ce problème. Le Canada n’est pas le seul pays à tirer de l’arrière, et il se situe certainement dans le peloton de queue en matière de performance. En ce qui concerne les systèmes numériques intégrés, nous avons de la difficulté.

Mais je pense que la COVID-19 a été une bonne chose pour notre pays en ce qui concerne notre approche de la santé numérique. Je ne dis pas que la pandémie a été une bonne chose â€“ elle a été terrible â€“, mais elle nous a permis, je l’espère, de repenser la façon dont nous adoptons les services virtuels et de nous rendre compte que nous devrions coopérer et collaborer autour d’un ensemble commun de normes.

Avis Favaro

Je vois. En tant que patiente, je reçois des messages contradictoires. Les données dont nous disposons montrent que les gens aiment les soins virtuels. Je parle ici d’établir un lien avec son médecin par ces autres moyens. Les gens adorent cela. Ils aiment cette possibilité. Ils veulent avoir une relation.

Mais il y a deux problèmes. Certaines provinces tentent aujourd’hui de ramener les médecins dans leurs cabinets. Certains codes de tarif pour les services de santé virtuels ont été supprimés. Parfois, je me demande : « Est-ce qu’ils veulent de la médecine virtuelle? Â» Ils veulent que nous revenions en arrière. Recevons-nous des messages contradictoires? Et que pensez-vous lorsque les provinces affirment que les soins virtuels sont importants durant une pandémie, mais qu’ils ne le sont plus par la suite ou qu’elles ne veulent pas les financer?

Dr Ewan Affleck

Oui. L’approche est très hétérogène d’une autorité compétente à l’autre au pays. Et il y a des situations cliniques où il est absolument nécessaire de voir quelqu’un en personne. Il s’agit donc d’une préoccupation majeure.

Comment s’y retrouver pour que les personnes recevant des soins virtuels puissent bénéficier d’une prise en charge adaptée à leur situation clinique? Ce sont des choses que nous n’avons pas encore vraiment comprises. Il s’agit donc d’un défi pour les provinces. C’est un défi pour nous tous. Nous sommes en quelque sorte en train d’inventer cela au fur et à mesure.

Ceci étant dit, je dirais que le modèle de rémunération à l’acte n’est probablement pas très bien conçu pour les services virtuels. En effet, dans une situation idéale, si vous avez un médecin, une infirmière, un pharmacien ou autre, vous ne voulez pas créer un environnement où vous récompensez une forme de soins plutôt qu’une autre. Il serait bon qu’il y ait une certaine équité dans la forme des soins. Par conséquent, que les soins soient virtuels ou en personne, ils devraient être au cœur d’une décision clinique.

Si Avis vient me voir pour me parler d’un certain problème, je dois me poser la question suivante : « Qu’est-ce qui est le mieux pour votre santé? Que je vous parle au téléphone et que vous puissiez vous faire admettre immédiatement? Que je vous rencontre en personne, ce qui peut entraîner un retard? Que nous fassions une consultation par vidéo ou que vous preniez une photo et que vous me l’envoyiez? Quelle est la meilleure façon de veiller sur votre santé? Â» Il s’agit donc d’une décision clinique.

Et la difficulté avec les formes de rémunération, c’est qu’une fois que les disparités de revenu entrent en jeu, les choses peuvent devenir confuses. N’est-ce pas? Et lorsque l’on commence à monétiser la maladie, la situation devient difficile pour tout le monde. L’idéal est donc de mettre en place un environnement dans lequel la force motrice pour décider de la forme de communication à adopter dans le cadre de vos soins est basée sur le résultat pour le patient, et sur rien d’autre.

Avis Favaro

Mais ce que l’on constate, c’est que les gens veulent des soins virtuels. Il devient de plus en plus difficile d’y avoir accès. Ce service est de moins en moins offert.

Dr Ewan Affleck

En raison des décisions prises par certaines autorités compétentes, oui, peut-être. Dans l’idéal, nous voulons intégrer les soins virtuels dans le système de santé public principal, de manière à ce qu’ils s’intègrent parfaitement aux soins en personne que vous recevez.

Il y a des cas de ce genre, mais ce n’est pas toujours le cas. Et nous manquons actuellement de main-d’œuvre. Ces pénuries de main-d’œuvre se traduisent donc par un manque d’accès. Ce n’est pas une période facile. Rien de tout cela n’est facile. Et il n’y a personne à blâmer.

C’est ainsi. Mon message, encore et toujours, est que nous devons nous asseoir et résoudre collectivement ce problème, en examinant ce qui se passe actuellement.

Avis Favaro

Les pénuries sont nombreuses, les médecins sont sous pression, les infirmières sont sous pression, les infirmières praticiennes sont sous pression, nous n’en avons pas assez. Il y a 6,5 millions de Canadiens qui n’ont même pas de médecin avec qui organiser une consultation virtuelle. Ne devrions-nous pas nous préoccuper de la main-d’œuvre avant d’étendre les soins virtuels?

Dr Ewan Affleck

Oui. Idéalement, s’ils sont bien pensés, ils n’exigeront pas plus de main-d’œuvre.

Avis Favaro

Quelle est l’urgence?

Dr Ewan Affleck

Les soins virtuels se résument à l’échange d’information ou de données sur la santé. C’est tout. Par conséquent, si nous ne parvenons pas à une vision commune, partagée et collective et si nous n’harmonisons pas les politiques publiques et la gouvernance autour des données de santé, nous continuerons à nous battre. C’est donc l’objectif que nous devons atteindre.

Encore une fois, je ne vois pas en quoi cela ne profitera pas aux gouvernements, aux professionnels de la santé, aux patients, aux Premières Nations, aux Inuits, aux Métis, à tous les électeurs. Je dirais donc qu’il s’agit d’un des piliers fondamentaux.

Il s’agit d’une question importante et urgente, et je me réjouis des récentes ententes bilatérales et de l’engagement du gouvernement fédéral. Je n’ai jamais vu autant d’intérêt de la part des gouvernements et d’autres acteurs pour repenser la façon dont nous utilisons les données de santé au Canada. Je suis donc très enthousiaste en ce moment. Et je pense que le verre est sans aucun doute à moitié plein.

Avis Favaro

Quelle est votre crainte?

Dr Ewan Affleck

Vous savez, il peut être difficile de rassembler les gens lorsqu’un système de soins de santé est si mal en point. Ce que je crains, c’est que nous soyons distraits par tous les feux à éteindre. Ce que je suggère, c’est une réflexion à long terme. Il s’agit d’un processus lent et graduel visant à réinventer notre approche en matière de données sur la santé au Canada. Il est possible d’y parvenir et nous en tirerons tous des avantages à long terme.

Mais il y a tellement de feux qu’il peut être difficile de maintenir l’attention et l’intérêt des gens lorsqu’il y a des inhalations de fumée, des brûlures, etc. Et encore une fois, il ne s’agit pas d’une critique à l’égard de qui que ce soit. C’est juste ainsi. Mais le problème, c’est que si nous ne nous y attaquons pas, il y aura encore plus de feux.

Avis Favaro

Oui. Je pense que je vais en rester là. Merci beaucoup, Dr Affleck. Merci d’avoir été des nôtres. Et j’espère que l’accès aux soins virtuels sera élargi.

Dr Ewan Affleck

Merci, Avis. J’apprécie le temps que vous m’avez accordé.

Avis Favaro

Le rapport élargi de l’ICIS sur les soins virtuels ouvre la voie à d’autres discussions sur la façon d’aller de l’avant, sur la façon dont les provinces peuvent apprendre les unes des autres et sur la façon dont les Canadiens peuvent enfin obtenir des soins de santé numériques entièrement modernisés.

Merci d’avoir participé à notre discussion. Notre producteur exécutif est Jonathan Kuehlein, et nous saluons Alya Niang, qui anime notre balado en français. Nous vous invitons à consulter l’intégralité du rapport sur les soins virtuels sur le site cihi.ca. I-C-I-S-point-C-A.

Ici Avis Favaro. À la prochaine!

Comment citer ce contenu :

Institut canadien d’information sur la santé. Les soins virtuels au Canada — Dr. Ewan Affleck. Consulté le 22 octobre 2024.

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