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Le coût des systèmes de santé du Canada — Helen Angus et Kim McGrail

Helen Angus and Kim McGrail

30 min | Publié le 22 novembre 2021

Le Canada investit des milliards de dollars dans ses systèmes de santé chaque année, et pour la toute première fois, le cap des 300 milliards a été franchi en 2020 en raison de la pandémie de COVID-19. Helen Angus, sous-ministre de la Santé de l’Ontario à l’arrivée de la pandémie au Canada, et Kim McGrail, professeure de renom en politique de la santé à l’Université de la Colombie-Britannique, se joignent au Balado d’information sur la santé au Canada pour discuter avec nous des effets de la pandémie sur le coût des soins de santé à l’échelle du pays. Elles exposent aussi leur point de vue sur ce que les planificateurs des systèmes de santé devraient prendre en compte pour aller de l’avant et sur ce que les Canadiens et Canadiennes devraient attendre de ces systèmes qui suscitent une telle fierté nationale.  

Cet épisode est disponible en anglais seulement. 

Transcription

Alex Maheux

Bonjour, bienvenue au Balado d’information sur la santé au Canada. Je suis votre animatrice, Alex Maheux. Dans cette émission de l’Institut canadien d’information sur la santé, nous allons analyser les systèmes de santé du Canada avec des patients et des experts qualifiés. Joignez-vous à moi alors que j’analyse les données pour en savoir plus sur le travail qui est fait pour nous garder tous en bonne santé.

L’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS) a publié le tout premier rapport pancanadien sur les dépenses de santé durant la pandémie de COVID-19. Nous devrions franchir la barre des 300 milliards de dollars cette année. Il s’agit d’un nouveau record en matière de dépenses de santé. Pour nous aider à mieux comprendre comment cet argent est dépensé, comment nous pourrions mieux le dépenser et ce qu’il signifie réellement pour la santé des Canadiens, nous accueillons deux invitées spéciales. Nous avons Kim McGrail, professeure à l’École de la santé publique et de la population de l’Université de la Colombie-Britannique et au Centre de recherche sur les politiques et les services en santé, et Helen Angus, ancienne sous-ministre de la Santé de l’Ontario, qui a dirigé la coordination des interventions pour le secteur de la santé face à la pandémie de COVID-19.

Kim, Helen, bienvenue au balado.

Kim McGrail

Merci.

Helen Angus

Merci.

Alex Maheux

Je dois dire que je suis très heureuse de vous avoir toutes les deux ici aujourd’hui. Dans ce balado, nous avons beaucoup parlé des répercussions de la COVID-19 sur notre santé et notre bien-être, mais nous n’avons pas réellement parlé de la pression qu’elle a exercée sur l’économie et les budgets gouvernementaux, et j’espère que vous pourrez toutes les deux nous éclairer un peu sur ce sujet. Je sais qu’il était être assez difficile de planifier à long terme tandis que la situation évoluait à une vitesse si rapide, avec de nouvelles demandes chaque jour, voire chaque minute.

Kim, commençons par vous. Vous êtes professeure, chercheure et directrice scientifique. Quels sont les plus grands défis que vous avez dû relever pendant la pandémie, et est-ce que la pandémie a changé votre façon de faire ou de voir votre travail?

Kim McGrail

C’est une question très intéressante. J’ai été confrontée à de nombreux défis pendant la pandémie. Tout d’abord, le fait de ne pas pouvoir être au même endroit que les collègues, le personnel et les étudiants a été un très grand défi, tout comme s’assurer que les gens se sentaient soutenus et que nous avions les moyens de continuer à communiquer. Je dois dire que le type de recherche que je fais utilise des données, donc nous avons pu continuer à travailler. Mais du point de vue de la recherche, il était évident que la COVID-19 allait changer la nature des questions que nous devions poser. La pandémie a braqué les projecteurs sur de nombreux problèmes qui existaient déjà, mais qui sont peut-être devenus beaucoup plus apparents, comme les questions relatives aux soins de longue durée, à l’équité, et toutes ces autres questions qui, je pense, sont devenues des sujets de conversation assez fréquents.

Je pense que nous avons eu l’occasion de réfléchir à la manière de faire face à la pandémie et à nos choix politiques, et d’aborder certaines choses que nous aurions probablement dû aborder auparavant, mais qui n’étaient pas aussi évidentes pour nous avant la pandémie.

Alex Maheux

En effet. Eh bien, vous avez bien préparé le terrain pour Helen. Helen, vous avez vécu la pandémie alors que vous étiez sous-ministre de la Santé en Ontario. J’aimerais savoir à quoi ressemblaient vos journées et quel pourcentage de votre esprit était consacré à la résolution des problèmes du jour et quel autre aux répercussions qu’avait la pandémie sur les vies humaines?

Helen Angus

Je crois qu’ils sont presque identiques. Nous avons été très occupés au ministère de la Santé dès le début de la pandémie. Vous savez, nous avons ajouté la COVID-19 à la liste des maladies à déclaration obligatoire en janvier 2020, et le premier cas a été déclaré le 25 janvier. À partir de ce moment-là, le ministère a adopté une structure de coordination pour se concentrer sur la gestion de la pandémie et s’assurer que nous soutenions le travail important effectué en première ligne, tant dans le domaine de la santé publique que dans celui des services de santé — hôpitaux, médecins, infirmières, travailleurs sociaux, soins de longue durée et autres. Et c’était presque un travail 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, pendant presque 20 mois.

Je dirais donc que la pandémie a complètement bouleversé notre monde et que nous étions très très concentrés sur la COVID-19. Il fallait effectuer les tâches courantes au sein du gouvernement, comme préparer des budgets et se présenter aux réunions sur les comptes publics, mais la COVID-19 était vraiment la tâche principale, celle à laquelle nous consacrions le plus de temps.

Alex Maheux

Eh bien, entrons dans les détails. L’ICIS a publié le premier rapport pancanadien sur les dépenses de santé pendant la pandémie, qui a révélé une augmentation de 12 % des dépenses de santé en 2020, soit trois fois le montant habituel. Cette hausse est en grande partie imputable à la COVID-19. Il est clair que les provinces et le gouvernement fédéral ont dû augmenter massivement leurs dépenses pour faire face à la crise et veiller à ce que les Canadiens aient accès aux soins dont ils ont besoin. Mais je me demande ce que cela signifie pour l’avenir des dépenses de santé.

Helen, commençons par vous. Pourriez-vous nous donner une idée de l’évolution des dépenses au cours des deux dernières années et de ce que vous prévoyez pour les deux prochaines années? 

Helen Angus

Oui. Je pense que les statistiques que vous venez de citer pour le pays sont probablement assez similaires à celles de l’Ontario. Il est évident qu’une augmentation de 12 % n’est pas viable. Il faudra revenir à un modèle de dépenses différent, probablement plus proche de ce que nous avions auparavant. Mais il y a encore de l’inconnu devant nous, n’est-ce pas? Nous parlons ici d’une pandémie qui dure depuis 21 mois et qui n’est pas encore terminée. Il y a donc beaucoup de variables qui, je pense, influenceraient encore le fait que nous soyons plus près de 12 % ou moins, autour de 4 %, et cela inclut les troisièmes injections du vaccin, les défis permanents du système de santé, le nombre de cas, le nombre d’hospitalisations, mais aussi tout le rattrapage et les lacunes dans l’accès aux soins de santé. Je suis sûr que Kim a des choses à dire à ce sujet. Mais il ne s’agit pas seulement d’interventions chirurgicales, bien que celles-ci soient relativement faciles à prévoir par rapport à la normale. Il s’agit aussi, vous savez, de personnes qui auront renoncé à des soins préventifs et qui se présenteront avec une maladie à un stade plus avancé ou en progression. Et, bien sûr, il y a la santé mentale.

Je pense donc que le gouvernement devra assumer les conséquences de ces dépenses pour les mois et les années à venir.

Alex Maheux

J’ai vu que Kim hochait vigoureusement la tête lorsque vous parliez de rattrapage pour le système. Kim, quel est votre avis sur la question?

Kim McGrail

Je voudrais souligner une chose qu’Helen a déjà dite, à savoir qu’il ne s’agit pas seulement de rattraper le retard en matière d’interventions chirurgicales, mais aussi de tenir compte du fait que des personnes n’ont pas reçu de soins, qu’elles ont peut-être arrêté de prendre leurs médicaments. On peut s’attendre à ce que l’état des personnes atteintes de maladies chroniques se soit aggravé. Et, bien sûr, de nouveaux problèmes ont découlé de la pandémie, notamment des problèmes de santé mentale. Et il faudra beaucoup de temps pour y remédier. Ce sera donc un très grand défi.

Par rapport au régime de dépenses et aux tendances, j’ajouterais qu’en plus de l’augmentation de 12 % des dépenses, nous avons constaté une augmentation très significative de la proportion des dépenses totales du secteur public. En effet, environ 70 % des dépenses viennent du secteur public tandis que 30 % viennent du privé depuis probablement, je ne sais pas, une trentaine d’années, et les prévisions indiquent que les dépenses publiques atteindront 75 % en 2021, je crois. Et cette situation reflète manifestement une augmentation ponctuelle des dépenses qui redescendront d’elles-mêmes, et qui sont imputables à l’accroissement des dépenses fédérales et des mesures supplémentaires qui ont dû être prises dans le contexte de la pandémie. Mais c’est un phénomène intéressant.

Helen Angus

Oui. Je pense que même au sein des dépenses, il y a eu manifestement une augmentation des dépenses de santé publique, entre autres. Et, vous savez, à la fin de cette pandémie, il faudra probablement réfléchir aux services de santé publique que nous devons avoir à l’avenir. Vous avez parlé de certains problèmes qui perdurent dans le système de santé, et je pense à certaines des inégalités et des disparités qui ont été révélées au cours de la pandémie en ce qui concerne la charge de morbidité et la volonté de se faire vacciner, entre autres. Et donc, pour moi, ce n’est pas le montant des dépenses qui compte, ce sont les catégories dans lesquelles les dépenses sont effectuées, et je pense que le choix des catégories doit être fondé sur cette expérience qui nous a touchés profondément.

Kim McGrail

J’aimerais ajouter juste une chose, c’est que nous aurons le devoir de trouver les problèmes qui ont été occultés pendant la pandémie. Et je pense en particulier aux personnes âgées qui sont restées chez elles et qui n’ont pas reçu les services qu’elles auraient dû recevoir parce qu’il était très difficile de leur fournir des soins en personne. Il est certain que les soins informels qui sont offerts bénévolement ont vraiment été touchés, car les bénévoles ne pouvaient pas se rendre dans les foyers et rendre visite aux familles, les aider. Je pense donc qu’il y a probablement beaucoup de personnes qui ont souffert d’une manière que nous n’avons pas encore mise en évidence.

Alex Maheux

Je pense que vous mettez le doigt sur quelque chose que j’ai entendu à plusieurs reprises, à savoir qu’au cours des années qui ont précédé la pandémie, et au cours de la pandémie elle-même, il s’est développé une sorte de tempête parfaite pour les systèmes de santé du Canada composée de nombreux éléments, notamment du vieillissement de la population et de l’épuisement du personnel de santé. Bien entendu, tout cela a été mis en évidence par la COVID-19. Il y a beaucoup de choses à assimiler et à discuter. J’espère que nous pourrons commencer à parler du vieillissement de la population, puisque Kim, vous venez de le mentionner. J’ai lu, en fait, que la population des 75 ans et plus devrait croître à un rythme six fois plus rapide que la population en âge de travailler. Et ce sont des personnes qui ont besoin de plus de soins, de soins plus complexes. Kim, vous êtes une experte des soins en fin de vie et du soutien aux populations vieillissantes. Il semble qu’une grande partie des efforts déployés par le système de santé pour soutenir les personnes âgées soit axée sur les soins de courte durée. Je me demande si vous pensez que nous devons réévaluer où nous concentrons nos efforts et nos dépenses pour améliorer les soins et la santé des personnes âgées, mais aussi pour réaliser des économies en ce qui concerne cette population?

Kim McGrail

Vous savez, l’un des phénomènes de notre système de soins de santé est que nous avons le terme « jours dans un niveau de soins alternatif » qui désigne le statut des patients qui occupent un lit de soins de courte durée, mais qui n’ont pas besoin d’y être. Ce dont ils ont besoin, c’est d’un certain type de soutien et de services, mais ils occupent un lit de soins de courte durée jusqu’à ce que ce soutien ou ces services puissent être organisés, et il peut s’agir d’un soutien supplémentaire à domicile pour qu’ils puissent rentrer chez eux en toute sécurité. Souvent, ils attendent d’être admis dans un établissement de soins de longue durée.

Ainsi, dans les années précédant la COVID-19, le nombre de jours NSA — ou niveau de soins alternatif — représente environ 12 ou 13 % du total des jours de soins de courte durée, et je pense que cela a changé de façon assez spectaculaire. Un effort très important a été fait pour sortir du secteur des soins de courte durée des personnes qui n’avaient pas vraiment besoin d’y être, notamment au début de la première vague de COVID-19. Mais c’est en quelque sorte le signal qu’il y a un problème dans le système par rapport à la répartition des services dans le système. Je pense que nous devons repenser complètement les soins de longue durée dans l’ensemble du continuum des soins. Nos installations pour les centres de soins infirmiers vieillissent; elles sont basées sur des modèles de soins très, très anciens. Les gens préfèrent rester chez eux s’ils le peuvent. Mais en arrière-plan, nous avons bien sûr un énorme bouleversement démographique. Je veux bien sûr parler du vieillissement de la population. Mais nous parlons aussi de changements dans les familles, où il y a moins d’enfants qui pourraient être disponibles pour s’occuper des personnes âgées, et ces enfants ne vivent souvent pas avec leurs parents vieillissants. Nous sommes donc confrontés à un incroyable changement démographique, et plusieurs problèmes en découlent.

Je continue de croire que nous devons avoir une conversation sur nos valeurs fondamentales, sur les soins que nous voulons ou devons fournir aux personnes âgées, sur la manière dont nous allons nous y prendre pour éviter de les placer dans des établissements de soins de longue durée délabrés, et sur ce genre de choses qui sont vraiment devenues très évidentes pendant la pandémie. Mais comme vous l’avez mentionné, ces problèmes ne datent pas d’hier.

Helen Angus

Oui, je pense que si on regarde du côté de l’Europe, on trouve des collectivités de retraités qui se forment naturellement et des logements offrant des services de soutien. Je pense qu’il y a d’autres modèles qui seront mieux adaptés à la population vieillissante, qui produiront probablement de meilleurs résultats, qui seront plus acceptables pour ces personnes et qui reposent sur les collectivités naturelles. Vous savez, je ne sais pas si ces collectivités sont aussi répandues qu’elles pourraient ou devraient l’être, mais elles présentent pour moi un grand intérêt en tant que solution de rechange aux soins de longue durée et au vieillissement à domicile. Mais je pense que vous avez tout à fait raison, nous avons beaucoup de travail à faire.

Kim McGrail

Je suis tout à fait d’accord avec ce que vous avez dit, il y a beaucoup de modèles. Et je pense, vous savez, que l’un des défis, et juste dans le continuum des soins, a été le capital, car il est très coûteux de construire de telles installations. Pas autant que les hôpitaux, mais la construction de ces installations reste coûteuse. Mais je ne pense pas que ce soit les installations que nous voulons. Nous pouvons donc peut-être résoudre la question du capital en réfléchissant de manière différente à ce qu’est une habitation collective, à quoi cela ressemble. Ou encore en modifiant le zonage pour qu’il autorise la construction d’ensembles d’habitations communautaires où des groupes de personnes choisissent de partager un espace, ce qui signifie que vous avez une collectivité intégrée qui peut offrir de l’aide, mais vous avez aussi un groupe de personnes a besoin de services, et il est en fait plus facile pour le système de santé de fournir des services à des groupes de personnes que de faire des visites individuelles à domicile.

Il y a donc beaucoup de choses qui pourraient être faites, mais il faudra beaucoup de créativité et cela va certainement au-delà du secteur des soins de santé.

Alex Maheux

Une des grandes préoccupations liées au vieillissement de la population est la diminution du nombre de travailleurs de la santé en raison d’une combinaison de facteurs. L’un de ces facteurs, dont nous avons déjà parlé, est l’augmentation de l’âge de la population, ce qui signifie que beaucoup de travailleurs de la santé prendront leur retraite. De plus, l’épuisement professionnel causé par la pandémie est un sujet de préoccupation majeur. Et, au final, il n’y aura pas assez de personnes sur le terrain pour prendre soin des personnes âgées et de la population en général. Quels types de changements doivent être apportés aux professions de la santé pour attirer et retenir les travailleurs de la santé?

Helen Angus

C’est intéressant. Je lisais ce matin des articles sur cette question, et j’ai l’impression qu’il s’agit probablement de l’un des secteurs où les besoins sont les plus criants en raison de la pandémie et des facteurs que vous venez de mentionner. Évidemment, il y a des formations, il y a des possibilités d’emploi, des possibilités d’immigration et d’accès aux professions et aux métiers pour les personnes qui ont été formées ailleurs. Mais pour la rétention du personnel, il faut un travail intéressant, un plan de carrière. Et, vous savez, si vous écoutez les syndicats d’infirmières et d’infirmiers, ils parlent d’emplois permanents, mais avec des avantages, par opposition au travail à la pièce.

Il y a donc probablement quelque chose dans tout cela qui nous aidera à y parvenir, mais il faudra faire preuve de beaucoup d’innovation. Vous savez, nous avons formé des non-initiés pour qu’ils aillent effectuer des tâches dans les établissements de soins de longue durée et ailleurs. Je pense qu’il y a des problèmes liés au champ d’exercice, à l’avancement professionnel. Beaucoup de choses ont été faites, mais il faut en faire beaucoup plus.

Kim McGrail

Je suis entièrement d’accord avec tout ce qu’a dit Helen. Nous devons nous assurer que l’environnement de travail lui-même soit un élément propice à la rétention du personnel. L’avancement professionnel joue aussi un rôle, mais ce n’est pas le seul facteur. J’entends constamment des histoires. Elles n’ont pas été documentées de manière rigoureuse, mais j’entends des histoires qui décrivent à quel point le travail est difficile dans ces établissements.

Le meilleur exemple de cela en Colombie-Britannique est peut-être que, très tôt dans la pandémie, on a ordonné aux gens de ne travailler que dans un seul établissement de soins de longue durée. Mais vous devez penser que la raison pour laquelle les gens travaillaient à plusieurs endroits est qu’ils ont des emplois occasionnels et qu’ils doivent cumuler deux ou trois emplois pour s’en sortir. Eh bien, c’est quelque chose que nous pouvons tout à fait changer. Je pense à l’environnement lui-même, à ce à quoi ressemblent les journées de travail et à la manière dont les gens se sentent soutenus. Je pense aussi aux travailleurs à domicile, à la manière dont nous créons un environnement où ils se sentent connectés à une équipe et où ils se sentent en sécurité. Ce sont des questions sur lesquelles nous devons nous pencher. Et il faut probablement songer à la question salariale aussi.

Alex Maheux

Ce que j’entends, c’est que pour résoudre ce problème, nous pouvons faire beaucoup de choses. Mais en fin de compte, nous devons considérer ces travailleurs de la santé comme des personnes et penser à ce dont ils ont besoin pour réussir. C’est ce qui contribuera grandement à la bonne marche de notre système de santé.

Les soins virtuels dont il a été souvent question au cours de la pandémie constituent peut-être une autre solution pour améliorer l’accès aux travailleurs de la santé et au système de santé. Je parlais l’autre jour à notre vice-présidente de la région de l’Ouest, qui me racontait qu’elle avait entendu, lors de conversations avec les provinces et les territoires, que les soins virtuels avaient gagné de 10 à 15 ans par rapport à ce qu’ils seraient si la pandémie de COVID-19 n’était pas survenue.

Il est évident qu’il y a de gros investissements initiaux à faire dans les soins virtuels pour consolider leur place, pour les rendre plus efficaces, mais en fin de compte, peuvent-ils générer des économies et des gains d’efficacité?

Helen Angus

C’est une question intéressante. Je pense que les soins virtuels ont été salvateurs à bien des égards pendant la pandémie de COVID-19. Et une partie de ce travail se fait par téléphone, une autre par vidéoconférence et une autre encore au moyen de systèmes spécialisés. Je pense qu’en général, le coût des soins virtuels est à peu près la même que celui d’une visite en personne. Je ne suis pas sûre que les soins virtuels permettent de réaliser beaucoup d’économies, mais je pense qu’ils offrent un service que beaucoup de gens souhaitent. Nous avons atteint des niveaux de soins virtuels dont nous n’aurions probablement rêvé que deux ans auparavant.

D’un autre côté, je pense qu’il y a beaucoup de bonnes raisons pour faire des visites en personne. L’exemple que je donnerais serait, vous savez, les tests de Pap, impossibles à faire virtuellement. Il est donc important que les médecins, infirmières praticiennes et autres soient présents dans leur bureau de temps en temps pour fournir certains soins. Je pense donc que l’une des questions de politique publique pour nous à l’avenir sera de déterminer le bon équilibre. Vous savez, nous avons certainement cherché à en faire plus pendant de nombreuses années, et je pense que la conversation doit maintenant porter sur le juste équilibre. Je sais que l’Ordre des médecins et chirurgiens de l’Ontario a envoyé des lettres aux médecins de famille leur demandant passer un minimum de temps par semaine au bureau. Et je pense que c’est approprié.

Alex Maheux

Kim, quel est votre point de vue sur les soins virtuels?

Kim McGrail

J’aborderais probablement la conversation sur les soins virtuels comme un moyen de fournir des soins plus centrés sur le patient plutôt que comme un moyen de réaliser des économies au sein du système. Elle permet donc d’atteindre une partie de notre quadruple objectif en matière d’expérience des soins et de pertinence du lieu de soin. Mais il est clair que les soins virtuels permettent aux patients de réaliser des économies considérables en termes de coûts, de temps et d’efforts lorsqu’ils constituent un outil approprié. Mais je dirais aussi que les soins virtuels permettent, notamment, de fournir des services spécialisés aux populations des régions rurales et éloignées, ce qui leur évite des déplacements. Dans certains cas, ces soins virtuels peuvent être dispensés au patient par un professionnel de la santé sur place, comme une infirmière praticienne qui est en communication avec un spécialiste par l’intermédiaire d’une connexion virtuelle. C’est l’infrastructure la plus coûteuse.

Il y a aussi les soins virtuels qui ont connu une très forte augmentation dans le domaine des soins primaires, et qui peuvent être mis en place depuis un certain temps et, honnêtement, qui ne coûtent pas si cher. Mais nous n’avons pas été en mesure de les intégrer à l’organisation du travail et au système de soins. Parce qu’en réalité, nous devrions penser aux options virtuelles comme étant simplement un autre mode de contact entre les praticiens de soins primaires et les personnes qui ont besoin de ces soins. Et je pense que nous devons ajuster les frais également.

Par exemple, si nous allons autoriser un rendez-vous de soins virtuels pour un renouvellement d’ordonnance, une tâche probablement très rapide, il faudrait peut-être discuter des tâches pour lesquelles les médecins sont payés à l’acte. Quelle est la rémunération appropriée pour ce type de tâche? Il y a donc de nombreux aspects politiques connexes, mais pour revenir à ce que j’ai dit précédemment, je crois que nous voulons vraiment adopter une approche de la prestation des soins centrée sur le patient. Nous devons trouver un moyen de le faire; nous devons faciliter les choses pour les gens.

Alex Maheux

Nous avons discuté de beaucoup de choses au cours des 20 dernières minutes, d’un tas de possibilités d’améliorer le système de soins de santé au Canada, mais je suis sûre que ce que bon nombre de personnes se disent que parlons d’une somme considérable. Parlons de la viabilité de ce projet. Helen, avec les taux d’augmentation des dépenses que nous avons connus au cours des 40 dernières années environ, quels sont les types de conversations qui ont lieu pour assurer la pérennité des soins santé au Canada?

Helen Angus

Il ne fait aucun doute que fournir des soins de santé aux Canadiens et à une population vieillissante, tout en tenant compte des facteurs de coût liés entre autres à la technologie, est coûteux. Je continue donc de penser qu’il y a des choses que nous pouvons faire pour nous assurer que nous avons réellement un système de soins de santé pour nos enfants et nos petits-enfants, et que de nombreuses autorités, en tout cas en Ontario, ont cherché à mieux coordonner les soins pour les personnes qui utilisent le plus le système de soins de santé. Et si on examine les comportements de ces patients, on remarque qu’ils passent beaucoup de temps dans le système de santé, en grande partie parce qu’ils n’obtiennent pas ce dont ils ont besoin. Une personne qui a 16 médecins, de multiples prescriptions, et qui se rend souvent l’urgence démontre l’incapacité du système de santé à satisfaire un besoin fondamental, et nous devons probablement faire un meilleur travail pour ces personnes.

Ainsi, je pense qu’il est très judicieux d’assurer la coordination des soins pour les personnes dont la situation est complexe : collaborer avec les patients et leurs familles, collaborer avec les divers secteurs, collaborer pour s’assurer que tout le monde travaille sur les besoins des patients, et s’assurer que les soins sont vraiment centrés sur le patient comme vous l’avez mentionné. Vous savez, il ne fait aucun doute qu’il y a des facteurs de coûts dans le système, mais je reste optimiste quant à la possibilité de garantir la pérennité sans démanteler ce qui est une valeur canadienne fondamentale et, vous savez, les principes de la Loi canadienne sur la santé.

Alex Maheux

J’ai remarqué que Kim a souri lorsque vous avez mentionné que nous devions demeurer optimistes et garder espoir par rapport à la pérennité de notre système de santé. Kim, qu’en pensez-vous?

Kim McGrail

Je commencerais par dire que la discussion sur la pérennité des soins de santé est typiquement canadienne. Si vous regardez autour de vous, la plupart des autres pays n’en parlent pas. Je pense que c’est tout simplement parce qu’on ne peut pas imaginer un monde où il n’y a pas de système de santé. Bien sûr, il y aura un système de santé. Je pense qu’il y a des choses très importantes que nous n’abordons pas explicitement comme la part du public et du privé et le montant que nous nous attendons à payer de notre poche par opposition à la grande vision que nous avons eue au cours des 50 dernières années avec le système Medicare, soit de traiter les gens sur un pied d’égalité. Cela signifie que nous séparons le paiement des services de la prestation de ces services, au moins dans les secteurs des hôpitaux et des médecins.

Mais, bien sûr, cela a toujours été censé être le début d’un système plus vaste, et nos provinces et territoires ont étendu la couverture aux produits pharmaceutiques, aux soins de longue durée et aux services à domicile, mais c’est beaucoup plus un ensemble de mesures disparates qui n’entre pas dans le cadre général de la Loi canadienne sur la santé à travers le pays.

Je suis tout à fait d’accord avec Helen, il y a de nombreuses façons d’améliorer le système pour rendre les choses plus transparentes, pour établir des liens, pour être plus axé sur le patient, pour ne pas faire d’examens en double, pour s’assurer que les soins sont coordonnés de manière appropriée. Et tout cela permettra d’économiser de l’argent. En même temps, il y a d’énormes facteurs de coût, comme les nouveaux médicaments et les médicaments coûteux pour traiter les maladies rares, ainsi qu’un besoin croissant de technologies supplémentaires à utiliser dans le système de santé. Je pense donc qu’il sera nécessaire d’avoir des conversations probablement assez difficiles pour savoir si nous voulons réaffirmer les valeurs qui sous-tendent notre système de santé actuel, ce que j’espère, ou si nous nous dirigeons vers autre chose. Je pense qu’il faut un débat ouvert auquel le public est convié, et qui reconnaît réellement que, selon moi, le système de santé illustre bien la façon dont nous pensons la société, les liens qui nous unissent et ce que nous croyons pouvoir mieux faire ensemble que séparément. Je pense donc que ces conversations et les décisions difficiles qui en découlent ont une grande importance, mais je suis d’accord avec l’optimisme d’Helen qui pense que nous pouvons y arriver.

Helen Angus

Oui. Je pense que la pandémie a été intéressante à cet égard quand nous avons vu apparaître certains de nos foyers d’éclosion. Vous savez, dans certaines régions, en Ontario par exemple, la santé et la capacité de déconfiner nécessitaient vraiment que nous réduisions le nombre de cas de COVID-19. Je suis sortie de la pandémie avec une nouvelle compréhension de la façon dont nous sommes tous connectés et une meilleure compréhension, étant donné certaines des données que nous avons été en mesure de collecter et de créer pendant la pandémie, des privations dont ont souffert les personnes de certaines de nos collectivités qui ne sont pas très éloignées. Et je pense que c’est peut-être aussi l’un des héritages de la COVID-19.

Alex Maheux

Je vais reprendre quelque chose que Kim a dit, à savoir qu’il y aura beaucoup de conversations difficiles, mais importantes. Vous avez toutes les deux une expérience considérable, vous êtes très aguerries dans ce domaine et je suis sûre que vous avez connu des hauts et des bas dans le domaine des soins de santé au cours de vos carrières. Si vous deviez donner un conseil aux décideurs en ce moment, quel serait-il?

Kim McGrail

Je pense que le mien serait d’engager la conversation, d’inclure le public et de ne pas avoir peur d’aborder les questions difficiles et d’en présenter les décisions.

Helen Angus

Je pense que c’est un bon conseil. J’y inclurais, vous savez, les personnes qui travaillent en première ligne et je les aiderais à se remettre de ce processus et à utiliser leur expérience pour contribuer à la prochaine conversation et à la prochaine mouture des soins de santé au Canada.

Alex Maheux

Il reste certainement beaucoup de plaies à guérir. Merci à vous deux d’avoir été avec nous aujourd’hui. Vous nous avez certainement donné beaucoup de raisons de réfléchir, mais aussi beaucoup de raisons d’espérer. Nous sommes impatients de discuter à nouveau avec vous.

Kim McGrail

Merci.

Helen Angus

Merci beaucoup.

<Musique>

Alex Maheux

Merci d’avoir été à l’écoute. Revenez la prochaine fois, car nous continuerons à vous présenter des points de vue utiles et des sujets liés aux soins de santé.

Pour en savoir plus sur l’ICIS, consultez notre site Web : icis.ca. I-C-I-S-point-C-A. Et si vous avez aimé ce que vous avez entendu, abonnez-vous là où vous trouvez vos balados et suivez-nous sur les médias sociaux.

Cet épisode a été produit par Angela Baker et Stephanie Bright, et notre producteur principal est Jonathan Kuehlein.

Ici, Alex Maheux. À la prochaine!

<Fin de l’enregistrement>

Comment citer ce contenu :

Institut canadien d’information sur la santé. Le coût des systèmes de santé du Canada — Helen Angus et Kim McGrail. Consulté le 22 octobre 2024.

Si vous souhaitez consulter l’information de l’ICIS dans un format différent, visitez notre page sur l'accessibilité.